Les apports de la Constitution 2011 en matière des droits de la Femme

Mbarka SABBAR

Durant la dernière décennie, le Maroc , avec les efforts conjugués de la société civile et la volonté royale, a entamé le processus vers le changement en opérant des avancées significatives en matière de réformes législatives , sociales et politiques ainsi une dynamique en termes de changement, de revendications et de débats politiques sur les différentes questions y compris la question des droits des femmes.

La cadence de ce processus de démocratisation vers un changement semblait s’accélérer avec « le printemps arabe » dont le Maroc a subi les effets de ce qui s’est passé ailleurs et qui s’est traduit par la décision de lancer le chantier pour la nouvelle constitution 2011.

La réforme de la constitution intervient dans un contexte de grande turbulence régionale, aussi les femmes marocaines à l’instar des femmes arabes ont descendu dans la rue pour protester sous les couleurs du printemps arabe et revendiquer leurs droits.

 Il convient de rappeler qu’il existait déjà des acquis tant au niveau constitutionnel que du droit civil , en effet le Royaume a franchi diverses étapes dans sa quête pour la promotion de la condition des femmes, particulièrement au cours de la dernière décennie, que ce soit à travers le renforcement de son arsenal juridique avec des lois aux larges prérogatives ou à travers de l’élaboration de stratégies nationales pour la promotion de la condition des femmes et de leurs rôles dans le développement durable, ainsi, on cite les principaux lois en matière de droits des femmes :

Code de la famille 2004 : une part substantielle des acquis de l’émancipation de la femme se trouve dans le code de la famille; il consacre les droits et obligations fondés sur le principe de l’égalité et l’équité entre l’homme et la femme, la garantie des droits de l’enfant et la préservation de la cohésion de la famille.

Code du travail en 2003 : Ce code affirme l’égalité entre les sexes en matière de conditions de travail, institut une protection des droits de la femme et des enfants dans le travail notamment le harcèlement sexuel et étale la période de congé de maternité à 14

Code de l’état civil 2002 : La mère dispose désormais comme le père du droit de déclarer la naissance de ses enfants depuis 2002.

Code de la nationalité en 2007 : la révision de ce code a permis à la femme marocaine mariée a un étranger à le droit de transmettre sa nationalité à son enfant issu de ce mariage.

Droits des femmes aux terres collectives : la reconnaissance des droits des femmes Soulalyates en tant qu’ayants droit, au le même pied d’égalité que les hommes, aux terres collectives par le biais des circulaires du Ministère de l’Intérieur, publiées en juillet 2009 et octobre 2010.

Fonds de solidarité familial: L’adoption en décembre 2010 de la loi 41-1 relative aux conditions et procédures pour bénéficier du fonds de solidarité familiale et sa budgétisation par la loi de finances 2012. Il est certain que ces acquis relevant tant du droit public que du droit privé sont confortés et pérennisés par la nouvelle constitution.

Avec l’adoption de la nouvelle Constitution, les femmes Marocaines ont crié victoire, et ce parce qu’ un nombre important d’articles ont apportés de grande nouveautés en matière des droits des femmes , et que la place accordée aux droits des femmes dans la Constitution de 2011 , est remarquable par rapport aux textes constitutionnels précédents. En effet on relève que le mot “femme” est cité quatre fois, contre une fois dans la constitution 1996, et que le terme « citoyenne » absent dans tous les textes précédents est cité dix fois.  De même le constituant ait ressenti la nécessité de spécifier que les droits étaient reconnus aux « citoyennes », toujours citées premières, et citoyens.

La prohibition et lutte contre toutes formes de discrimination est présente dans la nouvelle constitution au contraire de la constitution 1996.Les droits énoncés par le nouveau texte comprennent à la fois les droits civils et politiques, mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels. Ce qui n’avait jamais fait l’objet d’une reconnaissance constitutionnelle.

Les principales avancées de la nouvelle constitution en matière des droits des femmes sont citées dans les articles suivants :

Le préambule : Dès le préambule, il est proclamé que : « Le Royaume du Maroc s’engage à bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque en raison de sexe ». Il très remarquable que dans cet alinéa relatif à l’élimination des discriminations, celle qui est relative au sexe est mentionnée en premier, avant celle relative à la couleur, aux croyances, à la langue ou au handicap. Ce préambule fait explicitement partie du bloc de constitutionnalité, il fait partie intégrante de la présente Constitution.

L’article 6 Cet article spécifie dans son deuxième alinéa l’étendue des droits : « les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que leur participation à la vie politique, économique, culturelles et sociale ». La constitution de 1996 se contentait, dans son article 5 de « tous les Marocains sont égaux devant la loi » et dans son article 8 « l’homme et la femme jouissent de droits politiques égaux ». Par contre pour le texte actuel, le droit, il ne s’agit pas seulement des droits politiques, mais aussi économiques, culturels et sociaux, comme il sera réitéré à l’article 19.

Article 19 : Cet article stipule que : « L’homme et la femme jouissent , à égalité des droits et libertés à caractères civil, politique , économique , social , culturel et environnemental, énoncés dans le présent Titre et dedans les autres dispositions de la Constitution , ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc et ce , dans le respect des dispositions de la Constitution , des constantes du Royaume et de ses lois  L’Etat œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes  Il est créé, à cet effet, une autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations ». Cet article est le premier du titre II intitulé « libertés et droits fondamentaux » ; Il est devenu une référence en matière de d’approche genre dans les politiques publiques; Le premier alinéa de cet article, énumérant les droits dont « l’homme et la femme jouissent à égalité », cite ceux qui ont un caractère économique.

Article 32 :En vertu de cet article le Conseil Consultatif de la Famille et de l’enfant est créé :« La famille fondée sur le lien légal du mariage est la cellule de base de la société .L’Etat œuvre à garantir, par la loi, la protection de la famille sur les plans juridique, social et économique, de manière à garantir son unité, sa stabilité et sa préservation, Il assure une égale protection juridique et une égale considération sociale et morale à tous les enfants, abstraction faite de leur situation familiale, L’enseignement fondamental est un droit de l’enfant et une obligation de la famille et Il est créé un conseil consultatif de la famille et de l’enfance ». La création de ce conseil s’inscrit dans le but d’assurer le suivi des conditions des familles nécessiteuses et favoriser la solidarité.

o Article 164 : Cet article stipule que « L’autorité chargé de la parité et de la lutte contre toutes formes de discriminations créée en vertu de l’article 19 de la présente Constitution veille notamment au respect des droits et libertés prévues audit article, sous réserve des attributions dévolues au conseil national des droits de l’Homme » .Cette institution veillera notamment au respect des droits et libertés prévus par l’article 19; Cette autorité devrait également assurer une fonction d’expertise et d’évaluation des politiques visant à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines politiques, économiques

En définitive , il faut noter que la nouvelle constitution a prévu la reconnaissance des normes universelles en matière des droits des femmes et leur primauté sur la législation nationale dans le respect des fondamentaux de la nation , comme il l’avait rappelé sa Majesté Le roi Mohamed VI dans son discours mémorable du 10 octobre 2003 annonçant le code de la famille , qu’il reste Amir Al Mouminine et qu’il ne peut en cette qualité autoriser ce qu’ ALLAH a prohibé , ni interdire ce que le très haut a autorisé .En guise de conclusion, il faut reconnaitre à la constitution 2011, une audace certaine dans l’évolution des droits des femmes. Mais ce sera sa mise en œuvre qui permettra de juger à quel point elle aura été novatrice et révolutionnaire en matière d’égalité et d’équité à l’accès aux droits.

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