Omar EL MOURABET
Nombreuses sont les personnes qui pensent que « La politique est une chose trop grave pour qu’on laisse les intellectuels jouer avec. », je ne suis pas de cet avis car je crois qu’un intellectuel engagé mérite davantage de respect et d’estime. Je ne considère pas l’avis politique d’un écrivain comme une intrusion dans un domaine qu’il ne maîtrise pas, voire qu’il ne connaît pas.
Ceci dit, quand j’ai lu les propos de l’écrivain de « La nuit sacrée », publiés dans le magazine Le Point dont le titre est : « Législatives au Maroc, une claque aux partis traditionnels » réagissant aux résultats des dernières législatives au Maroc qui ont vu le PJD triompher, je me suis aperçu du décalage social que vit cet écrivain tant respecté.
Je parle de décalage car je ne veux pas douter de l’honnêteté de la personne, qui s’interroge sur le choix d’un peuple, comme s’il n’y avait que M. Tahar Benjelloun et une certaine élite francophone qui auraient le privilège, voire l’apanage de comprendre la réalité du Maroc profond, alors que les autres ne seraient que des sujets voire une populace qui n’aurait pas la faculté de comprendre, d’analyser et de choisir.
Ainsi, selon lui le PJD a gouverné avec « des éléments des autres partis », comme si le PJD était un mini ‘msid’ (école coranique située en général au sein d’une mosquée) dans lequel on se contentait d’apprendre les 114 sourates du coran, ni plus ni moins.
De l’aveu même des grands spécialistes, le programme électoral du PJD de 2016 concocté par de grands cadres connus et reconnus est l’un des meilleurs programmes électoraux, si ce n’est le meilleur. De ce fait, accuser le PJD d’avoir gouverné avec « les éléments de autres partis », est une allégation sans fondements, et reflète un manque de discernement, voire une vraie ignorance prouvée par l’affirmation de l’inexistence d’un bilan du gouvernement sortant.
Je peux comprendre les critiques proférées à l’encontre du PJD vu l’animosité déclarée à maintes reprises par notre écrivain francophone, néanmoins, il faut lui rappeler que la coalition gouvernementale est constituée de quatre partis dont l’ancien parti communiste marocain, qui se réclame du progrès, du socialisme, et du modernisme ! C’est pourquoi réduire à néant tout un bilan, et sans aucune nuance à cause du PJD qui n’avait que le quart des ministères, démontre bien la subjectivité des propos.
Revenons maintenant au postulat avancé qui dit qu’il n’y a pas de modérés parmi les islamistes en se basant sur une citation du savant musulman Ibn Taymiyya.
D’abord mettre tout le monde dans le même sac, réconforte justement les intégristes et les non-démocrates, qui sont présents dans tous les courants politiques, que ça soit de gauche ou de droite et bien-sûr , même dans les courants qui ont une référence religieuse ( juifs, chrétiens ou musulmans) ; ainsi, peut-on mettre Madame Merkel qui se réclame d’un parti démocrate chrétien au même pied d’égalité que certains courants intégristes chrétiens ?
De plus, et comme l’a indiqué à plusieurs reprises Monsieur Benkiran, citer les propos d’un savant ne veut pas dire, admettre ou adhérer complètement à son idéologie et à ses thèses.
En outre, et pour l’histoire, je me rappelle avoir accompagné mon père -que Dieu ait son âme- un des oulémas de Fès pour rendre visite à l’ancien président du conseil des oulémas de Fès ,sidi Ahmed Benchakroun, afin de récupérer l’encyclopédie en 37 tomes des fatwas d’Ibn Taymiyya, qui était loin d’être la référence de ces oulémas très attachés au rite malékite et qu’on ne pourrait accuser de répandre l’obscurantisme ? Sont-ils devenus des salafistes, pour autant, en lisant ses livres ? Se sont-ils convertis au rite Hanbali ? Loin de là.
Enfin, citons ces paroles d’Ibn Taymiyya que Monsieur Benkiran a rappelé dans un contexte bien précis lors d’un meeting à Agadir : « Mon paradis est dans ma poitrine et m’accompagne toujours, mon emprisonnement est une retraite spirituelle, …. » , faut-il rappeler que ce sont des propos annoncés à ses élèves alors qu’il était emprisonné pour ses idées qui prônaient une rigueur face au soufisme très répandu à l’époque.
Je tiens à rappeler que je ne suis pas un adepte d’Ibn Taymiyya , mentor du salafisme moderne, et je ne suis pas là pour le défendre, mais il faudrait mettre ses idées dans le contexte historique de l’époque, puisqu’il a vécu dans une période de guerres et d’invasions ; sinon cela équivaudrait à prendre les paroles de la Marseillaise et interpréter la phrase ‘aux armes citoyens’ comme un appel permanent au sang et à la guerre.
En conclusion, j’invite notre cher écrivain, à déconstruire et à revoir ses idées reçues et stéréotypées sur un parti qui ne se dit pas islamiste et réfute cette appellation, un parti qui ne puise pas seulement dans les références et les fondements de l’Islam qui sont communs à tous les marocains, mais qui sait aller chercher la sagesse là où elle se trouve, aussi diverses soient les sources.